Culture Moves Europe - entretien avec Stéphanie Masson
Stéphanie Masson bonjour, vous êtes avec nous aujourd’hui pour nous parler de votre projet de mobilité, pouvez-vous nous le présenter ?
Le projet concernait la Serbie en tant que partenaire. J'ai collaboré avec une maison d'édition parisienne, les éditions Riveneuve, dirigées par Gilles Kraemer, sur un call de traduction littéraire et de circulation de livres. On n'a pas eu le financement alors on a repensé un peu le projet et on avait besoin d’autres partenaires. Sur cette première base-là, déjà assez avancée, j'ai pensé à la Serbie parce que j’avais rencontré une personne qui travaille au ministère de la Culture à Belgrade, sur Europe Créative. Je l'avais rencontrée dans le contexte d’un voyage exploratoire à Lublin, en Pologne, avec le Relais Culture Europe. On se reparlait souvent de projets et de collaborations potentielles. Et donc la Serbie est venue assez naturellement quand on a repensé le projet de traduction littéraire avec l'éditeur, en se disant qu'on allait chercher des partenariats et que c'était une très bonne idée d'aller à Belgrade pour ça. Entretemps, il y a aussi eu un amorçage d’un projet de coopération avec le Théâtre 14 à Paris, dirigé par Mathieu Touzé et Edouard Chapot, autour d’un festival alors je me suis dit que ça serait l’occasion également de chercher des partenaires pour cela, même si j’ai vraiment monté le dossier sur le projet de traduction. Voilà, l’idée était de mutualiser parce que l’idée d’un déplacement c’est justement ça.
Une des priorités de Culture Move Europe c’est en effet la durabilité, comme avez-vous mis cela en œuvre dans votre projet de mobilité ?
Tout d’abord, géographiquement je ne suis pas sortie de Belgrade, qui n’est pas une grande ville, les gens sont proches, et j’ai donc fait beaucoup de choses à pied parce que c’était facile de les faire. Avec un tram ou un peu de marche, on pouvait très bien aller d'une structure à une autre. Je ne connaissais pas Belgrade et pour comprendre une ville, c’est pas mal d’être à pied. Ensuite durabilité au sens de durabilité de projet, c’était aussi inscrire des relations, de voir une personne plusieurs fois, de faire une fois quelque chose sur un évènement, ensuite autre chose avec d’autres personnes, etc. J’ai par exemple rencontré l’ensemble de l’équipe du partenaire pour le projet de coopération du Théâtre 14 dans leur bureau, puis j’ai revu une de ces personnes en dehors, ce n’était pas pareil, il y avait déjà quelque chose d'autre qui s'amorçait. Cette personne était elle-même demandeuse, ça permet d'avoir déjà réfléchi, d'approfondir la relation, de se comprendre un peu mieux, de voir comment faire les choses et d'avoir très bien perçu que c'était complètement jouable. On était déjà en train de travailler en fait. Je suis restée suffisamment longtemps, 13 ou 14 jours, ça laisse le temps de faire cela.
Quels sont vos conseils pour réussir une candidature de bourse à la mobilité ?
Je conseillerais d'avoir un projet assez précis, avec des choses concrètes, de se projeter dans du concret avec un partenaire. Cela implique donc d'avoir un point de contact qui soit presque au-delà du contact, une relation avec une personne dans le pays, dans la ville dans laquelle on atterrit. Je conseille de fournir une lettre qui explique ça, pour faire comprendre que tout ça va être réel et que ça va produire des choses. Le conseil serait vraiment de s'appliquer là-dessus, d’être bien clair et synthétique sur ce qu'on va faire. Il faut montrer l'histoire que l'on a et donner une perspective directe. S’il y a une nécessité de déplacement, il y a une histoire à raconter, je vais là-bas parce que vraiment, les choses ne peuvent pas se faire sans, ou bien elles se feront moins bien et pas dans le même développement. C’est pourquoi la rencontre physique est si importante, car certaines choses ne passeront jamais à distance. Ensuite, il y a un point d’équilibre à trouver.
De votre point de vue, quels sont les avantages de la bourse de mobilité individuelle Culture Moves Europe ?
C’est assez souple d’action, c’est un levier qui est facile d’entrée, en tout cas sur le dossier, qui n’est pas très long à déposer. Ça permet d’être suivi financièrement pour renforcer quelque chose, pour aller chercher un partenaire. Moi j’étais seule, mais on peut être jusqu’à 5, il y a vraiment cette capacité-là. J’ai trouvé le dispositif agile et les échanges avec Culture Moves Europe étaient simples, ils ont dit les choses, cela s’est fait de manière fluide.
Comment pensez-vous valoriser ce projet de mobilité ?
Pour le Théâtre 14, je le valorise déjà en ayant un partenaire que je n’aurais jamais trouvé sinon. Cela s’est fait dans cette continuité-là. Et je vais également le valoriser dans le projet de traduction, puisqu'on va redéposer a priori en avril, avec la Serbie, parce que pour le coup j'ai rencontré l’équipe de la Bibliothèque nationale serbe et une éditrice serbe. J'ai vraiment travaillé pour qu'à l'arrivée, il y ait ce maillage d'acteurs du livre. J’ai rencontré des gens assez différents et c'était super aussi de voir comment ça fonctionne, en fait les Serbes font beaucoup de choses avec assez peu de moyens, ils mutualisent, ont des manières d’aller directement à l’essentiel. Par exemple, j’ai rencontré l’équipe d’un centre culturel, KC Grad, je devais y faire une intervention en forme de conférence. A ce moment je propose à mon interlocutrice de tenter quelque chose d’un peu différent. Elle accepte, on se dit que moi je fais de l’action culturelle, des ateliers d’écriture, que cela pourrait être un format à imaginer avec des jeunes liés au centre. Et en 48 heures, on avait plus de 15 personnes. Il y avait des Serbes, il y avait des Russes, de jeunes Russes exilés là-bas parce qu’il n’y a pas besoin de visa. Il y avait une expo, on s'est servi des images, de la peinture qu'on avait autour de nous pour écrire. C'était vraiment assez miraculeux, en deux temps, trois mouvements, ça s'est fait. Ils étaient très volontaires, ils avaient très envie. Donc on peut aussi faire quelque chose au-delà de parler. Cela s’est produit en 48 heures, parce que j’étais là, parce qu’il y avait quelque chose à faire ensemble.
Entretien réalisé le 9 novembre 2023 au Relais Culture Europe